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Figuig, quand le miracle risque de devenir un mirage
Publié dans Yabiladi le 11 - 07 - 2022

Plusieurs sources ont tari à Figuig, contraignant les agriculteurs de l'oasis à abandonner plusieurs cultures pour préserver le palmier. L'agriculture vivrière et la qualité des dattes en pâtissent par conséquence.
L'oasis de Figuig est un miracle de la nature. Les explorateurs et les employés coloniaux, qui l'ont découvert à partir du XIXe siècle, lui ont rendu un peu de la magie qu'elle a exercée sur eux et sur elles, par des poèmes et des récits d'une beauté singulière. Pour Isabelle Eberhardt, Figuig est la Reine des palmeraies. Pour Paul Baratier, l'eau y est «sublime égarée et divine recluse», pour ne citer que ces deux belles plumes de l'ère coloniale.
La ville de Figuig, elle, est une création de cette «divine recluse». Le système ingénieux, mis en place depuis des siècles par les Faguig (les gens de Figuig) pour drainer l'eau souterraine depuis les sources, situées dans le Haut-Figuig, jusqu'à la surface de la palmeraie, située dans le Bas-Figuig, en est la parfaite l'illustration.
La plus importante et la plus énigmatique source, appelée Tzadert, continue d'irriguer les jardins des Iznayen - les habitants de Ksar Zenaga, le plus grand des sept ksour de Figuig - qui ont en le monopole. Contrairement à plusieurs autres sources, comme Ousiguemane et Ifli n'At Mahrez, ou celles appartenant à Ksar Lâbidate, Tzadert continue de couler, mais a perdu environ trois quarts de son débit. Ksar Zenaga continue, heureusement, à bénéficier des eaux de la source Meghni, détenue en copropriété avec Ksar At Slimane, malgré une baisse de débit de 50%.
La détérioration subie par Tzadert est plus claire en chiffres. Avant la sécheresse, elle avait un débit qui dépasse 80 litres par seconde, contre 18 litres actuellement. Cette information très technique nous a été révélée par Majid Boudi, un des cinq Asrayfis principaux qui ont le droit et la responsabilité cruciale de gérer la distribution de l'eau à Figuig. Ce système ancien se base sur Tighirte, l'unité de mesure de l'eau correspondant normalement à 33 m3 apportés par un débit normal de quarante-cinq minutes. «Cela dit, la distribution de l'eau aux ayant-droits disposant d'une Kharrouba, le droit de propriété, se fait en minutes et non en m3, et chaque Asrayfi a droit à cinq minutes par unité», précise Majid Boudi.
Avec la baisse de débit, une Tighirte n'assure évidemment plus la même quantité d'eau, ni même la moitié. Par ricochet, cela a eu des répercussions néfastes sur l'activité phoénicicole et l'agriculture vivrière dans les jardins de l'oasis, qui couvre 650 hectares sur les 1 800 hectares que compte Figuig. Pour Asrayfi, la situation est encore plus grave que ça. Les explications qu'il a données, même le plus expérimenté des ingénieurs agronomes ne peut se permettre de les vulgariser.
Aferdou, tour de surveillance à la palmeraie. / Ph. Hicham Ait Almouh
L'équilibre est rompu
À cause d'un problème de vision, Majid Bouli, la soixantaine, n'a pas pu durer sur les bancs de l'école, dans une oasis qui a donné des érudits aussi célèbres que Mohamed Abid Al-Jabri, et encore d'autres. Cela dit, sa maitrise de l'agriculture oasienne est digne d'un savant. Trilingue, maitrisant le berbère, l'arabe et le français, il nous explique, en termes techniques, comment la baisse du débit de Tzadert et le tarissement d'autres sources ont contraint les paysans à abandonner la culture des légumes, du blé, et en partie, de la luzerne, cruciale pour le bétail. Avec quel résultat ? «Toutes ces cultures, dépendant de l'irrigation gravitaire, permettent de créer un microclimat qui profite non seulement à l'agriculture, mais aussi aux oasiens. Quant on n'irrigue que le palmier, ce que nous sommes obligés de faire maintenant, cet équilibre est rompu», répond Asrayfi.
Les méfaits de la rareté de l'eau, une expression que Majid Bouli préfère substituer au mot «sécheresse», auront un impact néfaste sur les milliers de palmiers de l'oasis, dont l'âge de certains dépasse sept siècles. «Nos palmiers porteront à jamais les traces de cette rareté de l'eau qui dure, ici, depuis 2008», tient-il à préciser.
Dans une oasis millénaire, le sous-sol est, à des dizaines de mètres de profondeur, un dédale inextricable de racines qui fournissent aux palmiers environ 50% de leurs besoins hydriques. En d'autres termes, les palmiers ne s'abreuvent plus de l'eau d'irrigation destinée aux autres cultures, disparues maintenant. Par ailleurs, si les palmiers sont détruits, il est impensable d'en planter d'autres dans le même endroit. «Nous faisons donc ce que nous pouvons pour sauver nos palmiers avec le peu d'eau qui reste dans les sources», dit-il avec amertume.
De même, le système de goûte à goûte, adopté par toutes les extensions de l'oasis et à El-Arja, et dont la superficie globale dépasse 1 000 hectares, est complètement inadapté à l'irrigation au sein des anciens jardins. Quelque part, Figuig n'a qu'une seule solution : tenir à son originalité, malgré la menace réelle que représente le tarissement des sources.
Ikoudass, système de distribution de l'eau de la source Tzadert. / Ph. Hicham Ait Almouh
Les dattes de Figuig en pâtissent
Figuig continue, pour autant, à produire des dattes dont la qualité pâtit du manque d'eau. Cette autre dégradation, l'Asrayfi Majid Bouli peut en mesurer l'ampleur en amont de la saison de la récolte, muni d'un tensiomètre pour vérifier l'humidité du sol. «Les variétés des dattes les plus humides, notamment Taâbdount, Boufeguousse et Aziza, respectivement constituées à hauteur de 80%, 64% et 36% d'eau, sont les premières à être affectées», précise-t-il. Lâssiane, une autre variété très prisée de Figuig, et moins chère, ne souffre pas autant de la détérioration du climat actuellement. En revanche, Afroukh n'Tijjent, la seule variété qui résistait à la sécheresse car constituée à hauteur de 22% d'eau seulement, a disparu à cause du Bayoud, la fusariose vasculaire qui a anéanti les palmeraies de Drâa et de Tafilalet.
Depuis la mise en service du barrage Sfisaf en 2012, d'une capacité de retenue de 20 millions de m3, et la réalisation, quelques années plus tard, d'un système d'adduction vers l'oasis de Figuig, environ 1 500 agriculteurs figuiguis ont commencé à bénéficier d'un apport, petit mais précieux, en eau d'irrigation. Ils ont eu droit, chacun, à une kharrouba de 30 m3, au prix 0,5 dirham le mètre cube, avec 40% des revenus destinés à rémunérer les ouvriers qui se chargent de la distribution de l'eau.
Selon Mohamed Noceir, président du Conseil local de l'eau, une fédération constituée de 12 associations, qui gère ce système de distribution, «il n'y plus d'eau dans le barrage. L'eau a atteint un niveau très bas qui ne peut pas permettre de la conduire vers l'oasis de Figuig à cause de l'envasement», précis-t-il.
Les cultures sacrifiées au profit du palmier. / Ph. Hicham Ait Almouh
Ce n'est pas là les seules calamités qui affectent Figuig et ses eaux souterraines et de surface. Aux alentours de l'oasis, et aux environs du frontalier Oued El-Arja, où plusieurs agriculteurs ont perdu de très grandes plantations phoénicicoles, après avoir été éjectés, en avril 2021, par l'armée algérienne, on continue à investir dans le palmier, irrigué au pompage solaire. S'ajoute à cela le problème de l'évaporation qui touche les bassins d'irrigation dans les nouvelles plantations. Mohamed Noceir estime que ces investissements ne se font pas en fonction de la capacité de la nappe de Figuig. «On va bientôt s'approcher de 2000 hectares, comme superficie globale des plantations, y compris les 650 hectares originaux de l'oasis. Cela ne prend pas en compte la réalité de l'assèchement des sources et du barrage», souligne-t-il.
Non loin du barrage Sfisaf, le barrage de Rkiza a été mis en service en 2015, d'une capacité de retenue de 26 de millions de m3, mais il n'est pas encore connecté à l'oasis. Il ne reste plus que 30 khettaras, appelées localement Tisserfine et gérées par les douze associations citées. Malheureusement, au moins une dizaine n'est plus opérationnelle.
Ce que dit la science
Les recherches dans le terrain corroborent cette catastrophe hydrique, visible à l'œil nu. L'hydrologue Abdelhakim Jilali, originaire de Figuig, nous a fourni plusieurs conclusions issues de ses travaux académiques sur l'état actuel des ressources hydriques dans sa ville. S'il donne un niveau de baisse différent de la source Tzadert, que celui relevé par les Asrayfis et le Conseil local de l'eau, à savoir une chute de débit de 68 l/s à 25 l/s, les mesures du niveau statique des nappes qu'il nous fournit sont effrayantes.
À El-Arja, le niveau statique de la nappe variait entre 4 et 10 mètres au cours de la période de 2008 jusqu'à 2012. Actuellement, il est situé à entre 30 et 60 mètres, ce qui correspond à un rabattement de 20 à 50 mètres. Au niveau de la zone Berkoukès à Ksar Zenaga, pour les mêmes dates, ce niveau est passé de entre 30 à 42 mètres à entre 75 à 90 mètres, donc une chute qui dépasse 50 mètres.
Les extensions de l'oasis utilisent le pompage solaire. / Ph. Hicham Ait Almouh
Abdelhakim Jilali, en collaboration avec le professeur Abderrahmane Harradji de l'université d'Oujda, également originaire de Figuig, cite, dans une étude sur la gestion de la recharge des aquifères (MAR), un rapport du ministère de l'Energie sur l'impact futur du changement climatique sur les oasis au Maroc. Ce rapport prévoit une baisse des précipitations entre 10 et 30% et une augmentation de la température variant entre 1,4 et 1,8 entre 2021 et 2050, par rapport à la période allant de 1971 à 2000.
Sur la base de ces données, ainsi que plusieurs conclusions d'études de la température et la pluviométrie dans la région de Figuig, Jilali et Harradji ont conforté un modèle existant, qui prévoit, jusqu'à 2099, une baisse de 38% de la recharge de la nappe de Figuig, d'une superficie de 327 km2.
Cela dit, dans la même étude datant de 2017, les deux chercheurs ont conclu que la gestion de la recharge des aquifères est capable de faire augmenter le niveau des eaux souterraines de 1,7 mètre maximum, à partir de 2034. D'ici là, de l'eau aura coulé sous les ponts.
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