Le Conseil du gouvernement vient d'entériner le projet de loi relative au Code de procédure pénale de la protection des victimes, des témoins, des experts et des informateurs dans les cas des délits de corruption, de détournement de deniers publics, de trafic d'influence et autres. Selon Ahmed Chiba, coordinateur national de l'Instance nationale de défense des biens publics ('INDBP), l'ampleur du phénomène requiert une loi spécifique de protection des témoins au lieu de se contenter d'intégrer quelques dispositions dans le code de la procédure pénale. Propos Al Bayane : Pensez-vous que cette adoption de ce projet de loi peut être perçue comme un signe traduisant l'adhésion réelle de l'Etat dans la lutte contre la corruption ? Ahmed Chiba: J'estime que ce projet de loi sur les dispositions relatives à cette protection est un pas en avant. En tant qu'Instance Nationale de Défense des Biens Publics, nous avons participé au débat sur ce sujet. Nous aurons l'occasion de formuler notre position sur ce projet une fois le texte soumis au Parlement Quels sont, d'après vous, les outils de contrôle et de poursuite des corrompus que doit contenir ce projet ? Je dois noter, de prime abord, qu'on s'attendait dans l'Instance Nationale de Défense des Biens Publics, à l'adoption d'une loi spécifique de protection des victimes, des témoins, des experts et des informateurs dans les cas de crimes de corruption, de détournement de deniers publics, de trafic d'influence et autres, au lieu d'intégrer quelques dispositions dans le corps du code de la procédure pénale.. A notre avis, le choix d'une loi spécifique de protection des témoins est dicté par l'ampleur du phénomène de la corruption et des détournements des fonds publics dans notre pays. Elle aurait un effet à la fois encourageant pour les citoyens intègres et dissuasif pour les corrupteurs et les corrompus. En ce qui concerne les dispositions relatives à la protection des témoins à intégrer, à l'occasion de la réforme du code de la procédure pénale, nous avons demandé que la notion de protection des témoins et informateurs soit élargie aux associations en tant que personnes morales, en particulier celles agissant dans la lutte contre la corruption et dans le domaine de la défense des biens publics. Nous avons aussi demandé que le secret professionnel et la confidentialité doivent être définis avec précision dans les textes juridiques pour qu'ils ne constituent pas une entrave à la justice et pour protéger les fonctionnaires tenus au droit de réserve contre l'abus de pouvoir hiérarchique. A quoi sert une loi surtout que certains ne cessent de déplorer l'absence de poursuites judiciaires contre les responsables de dilapidation des deniers publics surtout après la publication de la Cour des comptes ? Nous pensons à l'INDBP que l'existence de lois bien faites est primordiale au bon déroulement de la justice, si, bien entendu, la justice est intègre, indépendante et impartiale. Mais une telle justice ne peut exister que s'il y ait un changement complet dans le rapport du politique au Droit. C'est l'absence de lois claires et bien faites, l'absence de l'indépendance de la justice, et de la volonté réelle de lutter contre la corruption et les détournements, qui ont fait que les rapports de la Cour des Comptes sont restés lettres mortes. Quelles sont les autres actions que le gouvernement doit entreprendre pour la moralisation de la vie publique ? Si l'Etat adopte une vraie réforme de ses structures dans le sens de l'instauration d'une démocratie effective, les autres actions de moralisation de la vie publique deviennent très aisées et suivront. Car, dans un climat de justice, les citoyens adoptent un comportement de respect envers la loi. Sans ce respect de la loi, qui consacre l'égalité de tous et la non discrimination, quelle que soit l'appartenance sociale, politique, familiale ou autres, aucune mesure ou action n'aboutira à cette moralisation.