Dans une analyse détaillée rendue publique au titre du programme METI (Mainstreaming Employment into Trade and Investment), l'Organisation internationale du travail (OIT) met en lumière les orientations économiques du Maroc, fondées sur la valorisation de ses exportations, la structuration de son appareil industriel et la mise en œuvre d'investissements sobres et efficaces dans l'énergie solaire. Le rapport accorde une attention particulière à l'emploi des jeunes et des femmes, à l'intégration des petites entreprises et à l'indépendance productive du pays. Une économie ouverte à l'épreuve des interdépendances Depuis les années 1990, le Maroc a poursuivi une politique de libéralisation progressive. Cette dynamique a permis aux exportations d'atteindre 40 % du produit intérieur brut contre 26 % en 2000. Parallèlement, les flux d'investissement direct étranger (IDE) ont connu une progression notable bien que certains secteurs demeurent majoritairement financés par des capitaux nationaux. Le tissu productif marocain repose en grande partie sur les petites et moyennes entreprises, qui représentent 95 % du secteur industriel. Ces dernières bénéficient d'un soutien différencié, tant fiscal que financier, destiné à améliorer leur compétitivité et leur accès aux marchés extérieurs. Le rapport souligne néanmoins l'importance d'une coordination plus soutenue entre les ministères, les institutions publiques et les opérateurs privés. Le secteur de la maille, un gisement d'emplois à fort ancrage régional Le secteur de la maille, retenu comme filière stratégique, emploie 27 % des actifs industriels et génère 10,3 % des exportations nationales. Il s'appuie sur une structure largement dominée par les PME, qui forment 92 % des unités de production. La main-d'œuvre y est composée à 70 % de femmes tandis que les jeunes de moins de trente ans représentent entre 35 et 40 % des effectifs. La répartition géographique de cette activité révèle une concentration marquée dans les régions de Casablanca-Settat (38 %) et de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (27 %), ce qui témoigne d'un lien étroit entre industrie textile et stabilité socio-économique locale. Le rapport alerte sur la forte dépendance du secteur à l'égard des intrants importés, estimée à 85 % du total. Cette vulnérabilité accroît son exposition aux fluctuations des cours mondiaux et fragilise la chaîne d'approvisionnement. Face à ces contraintes, l'OIT préconise une montée en gamme technologique, une meilleure couverture logistique en amont, et la création de nouveaux débouchés hors d'Europe, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Une pénurie de main-d'œuvre qualifiée à résorber Entre 2024 et 2028, le secteur textile fera face à un déficit estimé à 10 400 postes qualifiés. Pour y répondre, le rapport recommande la mise en place de formations spécialisées en maintenance industrielle, tricotage technique, robotique et numérisation. Il invite les pouvoirs publics à soutenir les entreprises par des subventions et des incitations fiscales destinées à favoriser l'acquisition d'équipements modernes et le développement de la recherche appliquée. Energie solaire : le programme Noor à l'épreuve des équilibres sociaux L'étude consacre un second volet à l'analyse des effets du programme Noor Ouarzazate sur l'emploi et le commerce. Les résultats font état d'un potentiel significatif de création d'emplois, en particulier dans les phases de construction et d'exploitation. L'ensemble des postes directs observés ont été formalisés (contrats, couverture sociale), ce qui marque une rupture favorable avec les pratiques habituelles. En revanche, les emplois indirects et induits restent majoritairement informels. La participation des femmes demeure limitée dans les fonctions techniques. L'OIT recommande d'introduire des politiques de recrutement fondées sur l'égalité des chances et d'intensifier les dispositifs de formation visant les jeunes, afin de renforcer leur insertion dans les secteurs d'avenir. Le programme solaire s'est appuyé sur des équipements importés, ce qui révèle un manque de capacité industrielle nationale dans la fabrication de composantes techniques. Le rapport appelle à stimuler cette production locale afin d'alléger la dépendance aux fournisseurs extérieurs. Il attire également l'attention sur la consommation en eau des centrales thermiques, particulièrement en zone aride, et préconise l'adoption de technologies à faible empreinte hydrique. Une gouvernance économique tournée vers l'emploi et la souveraineté productive Parmi les recommandations structurantes, l'OIT invite le Maroc à instituer une évaluation systématique des effets sur l'emploi et le commerce de tout projet d'infrastructure financé sur fonds publics ou en partenariat avec le secteur privé. Elle suggère également d'introduire des critères de sélection dans l'octroi des marchés publics favorisant la mobilisation de la main-d'œuvre locale et des entreprises nationales. «L'emploi ne peut être une conséquence accidentelle des choix économiques. Il en constitue le cœur et la finalité», souligne le rapport, qui appelle à une alliance durable entre les administrations, les entreprises, les élus, les agences de placement et les centres de formation. Un cadre concerté doit permettre d'anticiper les besoins, de revaloriser les métiers techniques et de faire émerger une nouvelle génération de travailleurs qualifiés. En adoptant une logique de transformation endogène, en veillant à l'équité territoriale et à la qualité des emplois, le Maroc confirme son choix d'une économie disciplinée, enracinée et apte à se projeter dans la durée sans céder aux injonctions du court terme, pointe la même source.