Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) a mis au jour des pratiques frauduleuses destinées à contourner la loi en matière de mariage polygamique, plusieurs requérants ayant présenté de faux jugements attribués à des juridictions de la famille pour obtenir illicitement l'autorisation judiciaire. Selon les rapports transmis au CSPJ, «certains demandeurs d'autorisation de mariage polygamique ont produit des décisions falsifiées, prétendument émanant de sections de la justice familiale ou de centres judiciaires divers». Ces documents apocryphes visaient «à obtenir l'aval officiel par des moyens illicites». Un réseau de falsification démantelé Dans une correspondance adressée aux magistrats de la famille, le président délégué du CSPJ, M'Hammed Abdennabaoui, a souligné que «les enquêtes conduites par le ministère public ont révélé l'existence d'un réseau organisé de faussaires». Cette structure criminelle, selon ses termes, «opérait principalement à travers les réseaux sociaux, ciblant des individus en quête de faux documents pour les produire ensuite devant les juridictions de la famille». Pour parer à ce danger, M. Abdennabaoui a demandé aux magistrats «d'exercer la plus grande vigilance et de s'assurer de l'authenticité des jugements présentés, en vérifiant qu'il s'agit bien de copies exécutoires conformes». Il a également insisté sur l'usage «de tous les moyens légaux de contrôle, qu'il s'agisse d'une coordination directe avec les juridictions concernées ou du recours aux outils numériques du système SAGE 2». Enfin, il a exhorté les juges «à signaler au CSPJ toute difficulté rencontrée dans ce domaine». La polygamie demeure marginale au Maroc Le CSPJ rappelle que «la proportion de mariages polygamiques n'excède pas 0,66 % de l'ensemble des autorisations de mariage délivrées par les tribunaux». Entre 2017 et 2021, vingt mille demandes ont été recensées, dont «3 711 en 2017, 3 590 en 2018, 4 259 en 2019, 3 568 en 2020 et 4 854 en 2021». Le rapport publié en 2023 précise que «61,13 % des demandes ont été rejetées, tandis que 38,87 % ont été acceptées». Cette évolution reflète, selon le Conseil, «les effets positifs des amendements apportés à la Moudawana sur les comportements sociaux». Quant aux justifications les plus invoquées par les demandeurs, elles se rapportaient «à l'état de santé de l'épouse, au refus d'une épouse vivant à l'étranger de rejoindre le foyer conjugal, au retour d'une divorcée après un second mariage pour la sauvegarde des enfants, à des unions de fait ayant donné lieu à une grossesse ou à la naissance d'enfants, ou encore au désir d'un mari de contracter une nouvelle union avec l'accord de sa première épouse et à condition de disposer des moyens nécessaires».