Des migrants blessés lors du vendredi noir à Nador près de la frontière avec Melilla ont raconté leur aventure, leur vie et pourquoi ils ont tenté d'entrer dans l'enclave espagnole. Dans leurs témoignages, ces hommes, majoritairement des Soudanais, expliquent qu'ils sont arrivés d'Algérie et ils adressent un message au Roi Mohammed VI. « Les battes qu'on a ramenées n'étaient pas destinées aux militaires marocains, on les avait prises pour les Espagnols parce qu'eux utilisent du gaz lacrymogène », a déclaré un migrant soigné actuellement à l'hôpital El Hassani de Nador. Il fait partie des 76 hommes hospitalisés dans cet hôpital suite aux bousculades mortelles du vendredi 24 juin, qui se sont déroulées au niveau du grillage de la frontière de Melilla, où les migrants ont marché les uns sur les autres, se sont piétinés, et où certains y ont perdu la vie. « J'ai vu l'un des hommes des autorités marocaines, il se faisait tabasser et je n'ai rien pu faire », a témoigné l'un des migrants, le bras dans le plâtre, encore traumatisé par les événements de vendredi dernier. « Il y a des anciens, qui connaissent les routes, qui savent comment ça se passe avec le grillage. Nous ça a été notre première fois », a-t-il expliqué en faisant référence aux passeurs. « On les a vu, ils sont entrés dans une institution gouvernementale de la police espagnole et nous les avons suivis. Ils l'ont fait exprès pour qu'on les suive, et nous nous sommes retrouvés à nous accumuler les uns sur les autres », a-t-il poursuivi. Et de décrire : « Ils étaient plusieurs, qui sont montés sur mon dos, j'étais à 3 mètres de haut, et il y en avait d'autres qui étaient plus haut. Ils voulaient tous monter. Au final, les forces de l'ordre marocaines étaient obligées de nous faire descendre parce qu'on était dans un sale état, vous comprenez, il y avait un grand nombre de blessés, de personnes qui étaient en crise et d'autres morts ». Un autre migrant soudanais explique qu'ils étaient plus de 1000 personnes, cachés dans une montagne, parmi eux se trouvaient différentes nationalités dont des Sénégalais et des Tchadiens. « Les autorités marocaines sont venues, et oui, nous nous sommes affrontés. Certains d'entre nous ont été blessés, et les agents marocains aussi ont été blessés. Ils nous ont donné 24 heures pour quitter les lieux. On devait soit nous rendre, soit aller vers le grillage et ont a choisi le grillage », a-t-il expliqué. Enfin, un troisième a adressé un message au Roi Mohammed VI, en expliquant que lui et d'autres migrants soudanais sont venus d'Algérie, où ils ont été persécutés et dépouillés à maintes reprises. Il explique que son était d'aller en Europe, malgré une vie paisible qu'il mène au Maroc depuis qu'il est arrivé et où il se déplaçait librement entre les villes. Il a affirmé se sentir en sécurité depuis son arrivée au Maroc. « On est bien traités et on se sent comme chez nous », a-t-il déclaré. Après cet épisode tragique qu'il a vécu, le Soudanais, semble ne plus vouloir tenter l'expérience de la migration clandestine vers l'Europe. « Premièrement, nous sommes des migrants soudanais et je parle pour mes frères soudanais qui se trouvent à Beni Mellal et Oujda. J'aimerais que notre message parvienne personnellement au Roi Mohammed VI pour qu'il nous trouve une solution ». « Nous sommes sans abris, nous passons nos journées dans la rue. Nous ne dérangeons personne », a-t-il déclaré. Il poursuit en indiquant qu'ils voudraient « n'importe quelle solution, nous aimerions qu'il s'adresse à nous dans un discours. Nous sommes prêts à tout entendre de sa part ». Et d'ajouter : « Nous ne sommes pas une bande criminelle, et n'avons pas d'armes. Le Maroc n'autorise pas le port d'armes et nous n'en avons jamais vu. Les seules armes blanches que nous avions étaient des couteaux normaux que nous utilisons dans la forêt pour les légumes et autres. Nous ne les avons utilisés contre personne ». Il explique enfin que s'ils vivent dans les bois en périphérie c'est parce qu'ils ne veulent pas encombrer les villes et déranger les citoyens, mais qu'ils souhaitent pouvoir vivre dignement aussi, et ne plus avoir à vivre isolés.
