Goulet d'étranglement : une capacité litière limitée. Libérer le foncier et lancer des projets vite pour ne pas perdre la demande. Développer une offre durable et créative, fidèle à l'ADN d'Agadir et Taghazout. Suivez La Vie éco sur Telegram A Agadir, les «Tourism Days» donnent le ton : sortir des sentiers battus pour écrire, enfin, le prochain chapitre de la première station balnéaire atlantique du Royaume. Deux jours de travail très concrets, loin des slogans : «Air et data», «raccourcir les distances, allonger les séjours», tour-operating qui se réinvente, marketing et attractivité, incentive nouvelle génération, sport et territoires, branding, artisanat et tourisme... La feuille de route se dessine au croisement de la stratégie et de l'exécution. «Penser ensemble l'avenir», résume Hamid Bentahar, président de la Confédération Nationale du Tourisme, en appelant à croiser les regards des opérateurs, des experts et des institutionnels. Le message convient parfaitement à la trajectoire d'Agadir et Taghazout : la desserte aérienne s'est densifiée, le rebond est là, mais l'écosystème doit passer d'une posture d'opportunité à une politique d'offre assumée. Traduction opérationnelle : une meilleure lecture des données de flux et de revenus, un pilotage par les sièges aériens et la saisonnalité, et une réingénierie de l'expérience pour tirer la durée moyenne de séjour vers le haut, surf et golf à Taghazout, culture, design culinaire et nocturne à Agadir, circuits nature jusqu'aux vallées intérieures. Reste l'angle mort : la capacité litière. «Aujourd'hui, la destination dépasse les 70% de taux d'occupation», rappelle Abdelhak Chahli, président de l'Association Régionale de l'Industrie Hôtelière Agadir Souss Massa (ARIH). La tension est palpable : la demande d'investissement est réelle, marocaine comme internationale, mais l'offre foncière est verrouillée et la nouvelle capacité tarde. Or, une chambre met deux à quatre ans à sortir de terre. Si l'assiette foncière ne se libère pas, les partenaires iront ailleurs. L'alerte est posée : il faut investir maintenant pour livrer à moyen terme, sinon le surbooking chronique deviendra frein à la croissance, avancent les professionnels. Derrière le mot «lits», c'est un modèle qui s'esquisse. Les professionnels plaident pour une politique foncière lisible : identification de poches de développement, sécurisation des autorisations, clauses environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) intégrées dès la conception, et phasage des projets pour éviter les à-coups. Agadir, locomotive historique du balnéaire africain, doit passer du «remplir mieux» à «construire juste» : produits différenciés (resorts familiaux, boutique-hôtels de caractère, appart'hôteliers serviciels), montée en gamme raisonnée et ancrage local (artisanat, circuits courts, design d'intérieur «made in Souss»). À Taghazout, l'avantage compétitif — sport, nature, esprit surf — mérite d'être consolidé par des expériences signées et une animation quatre saisons, seule voie pour lisser la courbe d'occupation. Le tour-operating, lui, se réinvente à vue. Les «Tourism Days» l'ont acté : fini le tout-pack indifférencié, place aux modules dynamiques, aux combinés (mer, arrière-pays, désert atlantique), aux partenariats data-driven avec les compagnies et les agences de voyages en ligne. Côté marketing, une exigence : un branding distinctif, lisible depuis les hubs européens, où Agadir et Taghazout deviennent une promesse claire — océan actif, climat stable, hospitalité et durabilité mesurable. L'incentive change d'époque : séminaires bas carbone, lieux iconiques, programmation culturelle vivante, mobilité douce entre corniche, médina contemporaine et spots de glisse. Rien de tout cela n'arrivera sans gouvernance. La réussite passe par un contrat de destination qui fixe les métriques (sièges aériens, RevPAR, durée de séjour, part de l'animation hors hébergement), partage l'information, cadence les chantiers et clarifie les responsabilités. Sur le front de l'offre, les opérateurs demandent un «fast track» pour les projets alignés avec l'ADN de la destination et les standards environnementaux ; sur le front de la demande, ils veulent une programmation événementielle lisible douze mois à l'avance -sport, culture, gastronomie- pour donner des raisons de venir... et de revenir. «Être plus durable et plus créatif», disait l'un des panels. L'un sans l'autre ne suffit pas. Durable, parce que la ressource (eau, littoral, énergie) devient contrainte compétitive ; créatif, parce que la différenciation vaut plus que la surenchère. L'artisanat, convoqué justement à ces journées, n'est pas un folklore d'appoint : c'est un vecteur de valeur, de design et d'emploi local, à intégrer au produit hôtelier et à l'expérience client. Agadir et Taghazout ont, pour une fois, toutes les cartes sur la table : demande en croissance, airlift renforcé, envie d'investir, consensus professionnel. La fenêtre est étroite : libérer le foncier pertinent, sécuriser deux à trois projets majeurs par millésime, financer l'animation et aligner le récit de marque. Penser le tourisme autrement, oui ; agir dès maintenant, surtout. Car au rythme où vont les marchés, les fenêtres d'opportunité ne restent jamais grandes ouvertes très longtemps sur l'Atlantique.