La coopération économique entre le royaume et l'UE ne cessera pas de faire couler de l'encre. Jeudi dernier, Eneko Landaburu était venu avec un bilan plein d'avancées sur cet aspect, mais aussi rempli de «dossiers couacs», où la situation semble sclérosée pour un bon bout de temps encore. Mais commençons par le positif, et le discours d'entrée des plus optimistes du représentant de l'Union : «Globalement, je peux dire qu'on a bien avancé dans le domaine de mise en œuvre du Statut avancé. 2010 a été une année incontestablement bonne pour les deux parties». Les arguments, le responsable n'en a pas manqué. «D'abord, nous avons réussi à tenir un sommet Maroc-UE, le premier que l'espace des Vingt-Sept accorde à un pays partenaire du sud de la Méditerranée». Ce sommet, qui s'est tenu plus précisément les 6 et 7 mars 2010 à Grenade, au sud de l'Espagne, était aussi en effet vu par la partie marocaine comme un grand aboutissement. Les thématiques débattues par les autorités des deux pays portaient notamment sur le contexte caractérisé par la crise financière. «Nous avons aussi signé un certain nombre d'accords, dont un de commerce sur les produits agricoles et de pêche», enchaînait Landaburu. En bonne voie ? Cet accord, justement, traîne dans les bureaux de Bruxelles et parcourt depuis plusieurs mois déjà le circuit – ou labyrinthe interminable – du processus de codécision de l'UE. Mais le responsable rassure, et avance une «probabilité» de voir le bout du tunnel à la fin de ce semestre. «Les commissions parlementaires au niveau de l'UE devraient se réunir en mars et mai prochains, pour décider du sort de ce qui a été négocié avec le Maroc dans le cadre de cet accord», expliquait le chef de la délégation européenne au royaume. Un autre accord a été conclu, mais dans le domaine de la pêche cette fois. À l'heure où nous mettions sous presse, la réponse de Rabat relative à la «prorogation d'une année», proposée par l'UE la semaine dernière, se faisait toujours attendre. Cela, même si tout indiquait, aussi bien du côté des autorités que des professionnels marocains du secteur, que cette réponse ne pourrait être que favorable (Les Echos du vendredi 25 au dimanche 27 février). Aujourd'hui, à heure du bilan, l'UE se prononce : «Il faut reconnaître qu'il y a eu quelques accrocs, relatifs à des cas de non-déclaration des captures des navires de pêche au niveau des ports marocains. Mais au final, l'accord s'est globalement bien passé», concluait le responsable européen. Par ailleurs, si tout semble plus au moins rose sur ces dossiers, ceux de l'accord sur les services et de la réforme de la justice marocaine le sont bien moins. Pour le premier point, les négociations – si négociations il y avait – sont aujourd'hui bloquées. «Nous sommes actuellement dans un stade de réflexion réciproque. Le Maroc nous a présenté une offre écrite par rapport à cet accord. L'UE a répondu à cette offre, mais malheureusement il est apparu des différences assez grandes de positions de part et d'autre», détaille Landaburu. Quelles sont ces divergences ? «Nous souhaitons que le Maroc nous donne, dans cet accord, des avantages équivalant à ceux qu'il accorde aux Etats-Unis», défend ce dernier. «D'autre part, le Maroc veut que l'on utilise cet accord sur les services pour discuter de la facilitation de l'obtention des visas pour un certain nombre de citoyens marocains. Mais nous pensons que le moment n'est pas encore venu pour débattre de ce point précis». L'autre bémol qui fait boiter le processus du Statut avancé est bien sûr la réforme de la justice. Sur ce dossier, l'UE se dit dans l'expectative en attendant des choses concrètes de la part de Rabat. «Nous sommes toujours disposés à accompagner cette réforme, en termes de financement, une fois que nous l'aurons sur la table», avance Landaburu. Le bilan d'étape est très mitigé. S.F Et si la Tunisie entrait en jeu ? «Nous avons rejeté la demande de la Tunisie de bénéficier du Statut avancé, pour la seule raison que nous avons jugé encore insuffisantes les valeurs de démocratie, de respect des droits de l'homme et des libertés publiques. Cependant, ce pays pourrait bien bénéficier de ce statut si le processus de démocratisation actuel qu'il a adopté au lendemain du soulèvement faisait bouger les choses». C'est sur cette note que Eneko Landaburu a commenté les orientations futures que pourrait adopter la Politique de bon voisinage promue par l'UE, dans la région maghrébine. Dans ce même sens, l'accession de la Tunisie au Statut avancé est aujourd'hui vue par plusieurs observateurs de la région comme une nouvelle source de concurrence de cette économie avec le royaume. Interpellé sur ce dernier point, le responsable du corps diplomatique européen a été franc : «Une concurrence ne serait pas forcément mauvaise. Au contraire, je crois qu'elle devrait plutôt constituer pour le Maroc une source de motivation pour aller de l'avant, et pousser ses autorités à accélérer leurs réformes». Une réflexion qui se veut pertinente, d'autant plus que l'opportunité de la crise que traverse actuellement la Tunisie est considérée, par bon nombre d'acteurs économiques marocains, comme une opportunité à saisir.