Dix ans après les attentats du 13 Novembre, Nicolas Lerner met en garde, dans un entretien exclusif accordé au Figaro, contre une menace terroriste « en pleine mutation mais toujours très élevée ». S'il juge improbable la reconstitution du scénario de 2015, il souligne que la menace est désormais principalement endogène, portée à la fois par des acteurs « activés » – notamment par l'Etat islamique au Khorasan – et par des individus « inspirés » agissant seuls mais nourris de propagande islamiste. Cette évolution complique la détection, d'autant que les structures terroristes à l'étranger sont aujourd'hui plus atomisées, moins hiérarchisées et plus difficiles à infiltrer. S'arrêtant sur le contexte africain, Lerner insiste sur un phénomène nouveau : le départ de djihadistes maghrébins francophones vers la Somalie pour rejoindre les chebabs affiliés à al-Qaida. C'est sur ce point précis que le patron des renseignements extérieurs français salue tout particulièrement l'action des services sécuritaires marocains. Il affirme que la DGSE suit ces mouvements « aux côtés de nos partenaires du continent et notamment des services marocains, qui sont des partenaires très efficaces, précieux, essentiels en matière de lutte antiterroriste ». Une reconnaissance qui souligne la place centrale du Royaume dans la coopération sécuritaire internationale, confirmée par ses contributions régulières au démantèlement de réseaux et à la prévention d'attentats en Europe. Par ailleurs, pour le patron de la DGSE, trois théâtres restent au cœur des préoccupations : la Syrie, la zone afghano-pakistanaise et surtout l'Afrique, devenue « l'épicentre du djihadisme mondial ». Les attaques y sont quotidiennes, notamment au Sahel et au Nigeria, et les victimes majoritairement civiles. Lerner alerte sur la liberté d'action accrue des groupes terroristes dans une large partie de la sous-région depuis le retrait des forces françaises, une dynamique qui menace non seulement les Etats sahéliens mais aussi les pays côtiers de l'Afrique de l'Ouest. Le chef du renseignement français met également en garde contre l'attrait persistant de la propagande djihadiste auprès d'une frange de la jeunesse occidentale. Malgré la baisse des contenus ultra-violents, les archives circulent sur des canaux cryptés et alimentent un imaginaire radical auprès de jeunes fragiles ou en quête d'identité. Il appelle les plateformes à maintenir leurs efforts pour assécher ces sources, tout en rappelant que les organisations terroristes adaptent constamment leurs messages à l'actualité. Nicolas Lerner souligne aussi que la lutte antiterroriste également aussi par une vigilance accrue face aux ingérences étatiques et aux campagnes de désinformation, notamment russes, qui cherchent à fracturer les sociétés européennes. La DGSE, dit-il, adapte ses méthodes, renforce ses capacités et prépare différents scénarios dans un contexte international marqué par des tensions croissantes.