Le Maroc ne ploie pas sous le poids du destin, mais sous celui des inconséquences humaines. Ce n'est pas la fatalité qui l'épuise, mais la légèreté de ceux qui, investis de responsabilité, ont trahi l'esprit du service pour s'abandonner à la routine du pouvoir. Aujourd'hui, le pays traverse une ère de désillusion collective. Une colère sourde monte, surtout parmi la jeunesse. Les défaillances des services publics, les projets laissés à l'abandon, les promesses sans lendemain, la désinvolture d'élus oublieux de leur mission … tout cela a tissé une toile de désenchantement où la confiance s'étiole jour après jour. Mais cette désillusion n'est pas née du hasard. Elle a été annoncée, pressentie, avertie. Le Roi Mohammed VI, dans plusieurs de ses discours, en avait décelé les signes avant-coureurs. Le malaise que le Maroc vit aujourd'hui, cette fatigue morale, cette colère contenue, il l'avait déjà nommée, décrite, dénoncée. Mais ceux qui devaient entendre ont préféré détourner le regard, s'enfermant dans le confort du silence et la tiédeur de l'inaction. Relisons donc, avec l'honnêteté que commande la situation, le Discours du Trône du 29 juillet 2017. Ce texte n'était pas une simple adresse protocolaire mais plutôt un avertissement, une mise à nu du système, un miroir tendu à une classe politique engourdie, engluée dans ses privilèges et ses réflexes partisans. Le Roi y disait sans détour : « Quand le bilan se révèle positif, les partis, la classe politique et les responsables s'empressent d'occuper le devant de la scène pour engranger les bénéfices politiques et médiatiques des acquis réalisés. Mais, quand le bilan est décevant, on se retranche derrière le Palais Royal et on lui en impute la responsabilité. » Tout était là. La lucidité, la franchise, le constat implacable. Mais les sourds du pouvoir ont choisi le mutisme et la complaisance. Sept ans ont passé, et les mots du Souverain résonnent aujourd'hui comme une prophétie accomplie. Rien n'a changé. Pire encore, l'irresponsabilité s'est institutionnalisée, la médiocrité s'est banalisée, l'autosatisfaction s'est érigée en culture politique. Pendant que le Roi agit, certains gouvernants commentent. Pendant qu'il trace une vision, ils débattent de détails. Pendant qu'il appelle à la reddition des comptes, ils cherchent refuge dans les excuses stériles. Nous vivons désormais les retombées d'un système où l'on revendique les succès et où l'on fuit les échecs. Dans les régions meurtries, par les catastrophes naturelles, les retards des chantiers, ou la détresse sociale, les citoyens ne trouvent plus d'oreilles attentives. Ils ne croient plus aux institutions locales, aux élus, aux promesses. Ils se tournent, encore et toujours, vers le Roi. Car au milieu du vacarme des ambitions et des silences complices, une seule voix demeure ferme, constante et lucide, celle du Souverain. Le reste, hélas, s'est perdu dans le brouhaha des irresponsables. LIRE AUSSI : Sahara, jeunesse, rumeurs : Le Maroc, cible d'un scénario sans hasard La perte de confiance, miroir d'un désordre moral La défiance qui traverse aujourd'hui le pays n'est pas le fruit d'un simple désintérêt civique ; elle est le cri d'une jeunesse blessée par trop de trahisons. Elle naît de promesses bafouées, de projets abandonnés, de ce gouffre grandissant entre la parole publique et la réalité vécue. Elle est le symptôme d'un mal profond, celui d'une gouvernance qui a oublié sa raison d'être qui est : servir. Les scandales récents, les retards accumulés dans les chantiers régionaux, les dérives locales où la corruption se glisse dans les moindres interstices de pouvoir, ne font que confirmer la clairvoyance du diagnostic Royal. Depuis son accession au Trône, le Roi Mohammed VI n'a cessé d'appeler à une action publique fondée sur la responsabilité, la transparence et la dignité. Mais ses appels, souvent, se perdent dans le vacarme des ambitions personnelles. Nos institutions, au lieu d'être des leviers de progrès, deviennent des vitrines d'ego. Les promesses se répètent en slogans creux, les discours se recyclent comme des refrains sans âme. Et lorsque vient le temps du bilan, les mêmes qui s'autoproclament artisans du succès se dérobent, laissant le Palais porter, seul, le fardeau de la colère populaire. C'est là l'irresponsabilité faite système, la mémoire courte érigée en stratégie politique. Le Roi, lucide, l'avait dit sans détour : « Les pratiques de certains responsables élus poussent un nombre de citoyens, notamment les jeunes, à bouder l'engagement politique et la participation aux élections. » Comment, en effet, s'étonner de cette abstention croissante ? Comment demander à la jeunesse de croire encore, quand elle voit certains élus s'enrichir au lieu de servir, des ministres s'illustrer par leur légèreté, et les réformes promises se transformer en mascarades administratives ? La désaffection du citoyen est une fracture qui sépare le peuple de ceux qui prétendent parler en son nom. Et dans ce désert de crédibilité, une seule voix demeure droite, ferme, implacable : celle du Roi. Sa parole, claire et sans fard, résonne comme un rappel à l'ordre moral, une exigence de dignité et de vérité. Car si le pays soupire, ce n'est pas faute de vision, mais faute de vertu. Le Maroc mérite mieux mais pas en slogans Regardons d'abord le secteur de la santé, ce miroir douloureux de notre dérive collective. Des hôpitaux délabrés, des médecins à bout de souffle, des citoyens perdus dans les labyrinthes de l'attente et de la détresse. Pourtant ce n'est ni l'infrastructure ni les moyens qui font défaut, mais la rigueur, la conscience et le courage politique. Les réformes s'enchaînent sans conviction, simples exercices de communication qui évitent toujours le cœur du problème. Et chaque fois, c'est au Roi qu'il revient de rappeler l'évidence, de redresser la barre, d'insuffler l'élan que d'autres auraient dû porter. Combien de fois a-t-il répété qu'un service public digne de ce nom est un droit, non un privilège ? L'éducation n'est pas en reste. Jadis tremplin d'ascension sociale, elle est devenue le symbole d'un échec persistant. Les écoles publiques se vident de sens et d'ambition, les réformes se succèdent sans continuité ni vision. Les ministres défilent, les plans changent de nom, mais le résultat reste le même : des générations entières laissées sur le bord du chemin. Le Roi avait prévenu : il n'y a pas de développement sans éducation. Or les gouvernements s'enlisent dans les querelles de chiffres, préférant la rhétorique à l'action. LIRE AUSSI : Notre jeunesse ... cette génération entre rage et espérance Et que dire de ces milliers de diplômés qui errent dans un marché du travail sans horizon ? Ces jeunes compétents, pleins d'énergie, mais condamnés à l'attente. L'emploi, censé être une priorité nationale, s'est transformé en symbole d'abandon. Le Roi l'a souvent rappelé : l'accès au travail est une question de dignité. Mais les politiques publiques restent prisonnières de leur inertie, et la jeunesse, trahie par les promesses, finit par douter du pays lui-même. De cette fracture naissent la colère, la frustration et le désespoir, les fruits amers d'un système qui parle d'avenir sans jamais le construire. Le Maroc mérite mieux, non pas des discours, mais des actes à la hauteur de sa jeunesse et de ses espérances. L'appel du Roi à la conscience nationale Le drame du Maroc ne réside pas dans l'absence de vision, mais dans l'indifférence de ceux qui devraient la porter. Tandis que le Souverain agit, impulse, rénove, et appelle inlassablement à la responsabilité, d'autres s'abritent derrière des mots sans poids, des communiqués convenus, des réunions sans lendemain. Le Roi incarne la volonté d'agir, les gouvernants, celle de se justifier. Son message, lui, ne souffre aucune ambiguïté. Il est à la fois ferme, lucide et empreint de gravité : « À tous ceux qui déçoivent les attentes du peuple, je dis : Assez ! Ayez crainte de Dieu pour ce qui touche à votre patrie... Acquittez-vous pleinement des missions qui sont les vôtres, ou bien éclipsez-vous ! » Et pourtant, sept ans plus tard, combien ont eu le courage de se retirer ? Combien ont assumé leurs échecs ? Presque aucun. Car ici, l'échec ne sanctionne pas, il recycle. Cet appel à la conscience nationale n'a pas trouvé d'écho. Les gouvernements successifs ont préféré la célébration à la remise en question, la mise en scène à l'efficacité, la proximité du pouvoir à la compétence. Les faits sont là : un pays épuisé par les erreurs accumulées, les occasions manquées et la médiocrité devenue habitude. Le temps du sursaut Le Maroc vaut mieux que cette lassitude qui le ronge. Il n'a pas besoin de slogans ni de promesses recyclées, mais d'une volonté ferme, d'une éthique de l'action. Le pays n'attend pas des politiciens calculateurs, mais des femmes et des hommes d'Etat, sincères, compétents, intègres, tels que le Roi n'a cessé de les appeler de ses vœux. Il ne lui faut pas des discours bien tournés, mais des résultats tangibles. Des ministères qui servent la nation, non leurs propres intérêts. Des gouvernants conscients que le pouvoir est un devoir, non un privilège. Depuis longtemps, le Souverain a sonné l'alarme. Les faits lui donnent raison. Le Maroc avance quand il parle, mais s'enlise quand d'autres se taisent. Et le peuple, lucide, voit désormais où se situe la responsabilité. Car le Roi, seul à incarner la constance et la rigueur, ne peut tout porter à lui seul. C'est pourtant encore vers lui que se tourne la population, parce qu'il reste, au milieu des silences et des renoncements, le seul à écouter, à agir, à secouer. Ce qui blesse aujourd'hui le Maroc, ce n'est pas le manque de moyens ni la pauvreté des ressources, mais le manque de conscience et de la morale publique. Le Roi, lui, continue d'espérer, de rappeler à l'ordre, de bâtir, souvent contre l'inertie de ceux qui devraient l'épauler. Notre pays ne manque ni de talents ni d'ambition. Ce qui lui fait défaut, c'est cette discipline morale et civique qui fonde toute nation digne. À chaque crise, à chaque scandale, la parole Royale revient comme une vérité première : la responsabilité est la condition de la dignité nationale. Mais le Maroc ne pliera pas. Sa force réside dans la Vision Royale, dans la foi de son peuple, dans la jeunesse qui refuse l'abandon. Il est temps, pourtant, que ceux qui prétendent gouverner mesurent l'ampleur de ce qu'ils laissent se dégrader. Le Roi avait prévenu la tempête … elle est là. À ceux qui n'ont pas su comprendre, il ne reste qu'à se retirer, dignement. Le Discours Royal de 2017 n'était pas un simple rappel, mais un tournant de l'Histoire. Aujourd'hui, il résonne comme un ultime avertissement que tant que la responsabilité ne redeviendra pas le cœur de la gouvernance, tant que la confiance ne sera pas restaurée, le Maroc restera suspendu au sursaut qu'il attend et qu'il mérite.