Le 6 juin 2025, j'écrivais : « Sahara marocain : Chine et Russie, il est temps de choisir le camp de la légitimité. » C'était au lendemain d'un basculement majeur : celui du Royaume-Uni, qui venait, après des années d'équilibrisme diplomatique, de reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Ce geste, mûri dans la prudence et scellé dans la clarté, marquait la fin d'une ère de calculs et d'ambiguïtés européennes. Or, à peine un an plus tard, un autre géant sort du brouillard … la Russie. Et soudain, les mots tombent, lourds de sens, clairs comme le soleil du Sud : le Sahara est marocain. Oui, Moscou a parlé, et quand la Russie parle, le monde écoute. Un mot, un geste, et voilà que des décennies de diplomatie feutrée s'effondrent. Ainsi, la vérité, longtemps étouffée dans les couloirs des chancelleries, s'impose enfin à la face du monde. Car le Maroc n'a jamais réclamé qu'on lui octroie sa légitimité, il demande simplement qu'on la reconnaisse. Et la Russie, désormais, l'a fait. Dès lors, il ne reste plus qu'une grande puissance à sortir de son silence, c'est la Chine. Cette Chine qui brandit, à juste titre, le respect de la souveraineté comme un principe sacré, mais qui se tait quand il s'agit de celle des autres. Ce géant, si prompt à défendre son intégrité territoriale, semble soudain perdre voix lorsqu'il faut nommer la vérité des peuples. Ainsi, Pékin, qui aime donner des leçons de cohérence diplomatique, se retrouve aujourd'hui face à son propre examen de conscience. Car il vient toujours un moment où le silence devient faute, et la neutralité, face à la légitimité, devient erreur. Et ce moment, pour la Chine, c'est maintenant. Le Maroc n'a pas besoin d'ambiguïté, il attend du courage, celui de dire les choses telles qu'elles sont. Et dans cette pièce mondiale où chaque puissance joue son rôle, Pékin ne peut plus demeurer derrière les rideaux de la prudence stratégique. La diplomatie, après tout, n'est pas l'art de l'esquive, mais celui du choix. Et la Chine doit choisir. Elle ne peut indéfiniment se réfugier dans la ligne floue du ni oui ni non, dans ce no man's land de la parole suspendue. Car au bout du compte, il n'existe que deux camps : celui de la vérité, et celui du silence. Et Pékin devra bientôt décider si elle veut appartenir au camp de l'Histoire... ou à celui de ceux qui la regardent passer. La cohérence mise à l'épreuve Depuis 2020, les plaques tectoniques de la diplomatie mondiale n'ont cessé de gronder sous nos pieds. Le monde bouge, se recompose, et dans ce mouvement tellurique, le Maroc s'impose comme un axe de stabilité et de clairvoyance. Tout a commencé lorsque les Etats-Unis de Donald Trump ont reconnu la souveraineté du Royaume sur son Sahara ; un séisme diplomatique, un geste que beaucoup jugeaient alors irréversible, tant il scellait la rencontre du droit et du réel. Dans le sillage de cette décision, l'Europe, longtemps hésitante, a fini par s'aligner sur la logique du pragmatisme. D'abord l'Espagne, puis l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique... jusqu'au Royaume-Uni qui, en juin 2025, mit fin à des années de calculs pour rejoindre le camp du pragmatisme. Londres parla de « solution sérieuse, crédible et pragmatique », une formule sobre, certes, mais lourde de reconnaissance et de sens. LIRE AUSSI : Dakhla : Quand Washington dit « Certainement », le Maroc sourit avec assurance Aujourd'hui, c'est un autre front qui s'ouvre, celui de Moscou. Après des années d'équilibrisme prudent, de postures calculées entre Rabat et Alger, la Russie a tranché. Elle a reconnu, elle aussi, la souveraineté du Maroc. Ce geste, à la fois politique et symbolique, dépasse la simple diplomatie, il relève du choix moral. Ainsi s'achève un long cycle d'ambiguïtés, cette hypocrisie feutrée qui tenait lieu de position. Mais tandis que les lignes bougent, une grande puissance demeure immobile … la Chine. Suspendue entre sa prudence stratégique et son propre discours, elle s'abrite dans un silence qu'elle croit habile, mais que le réel, lui, dément chaque jour un peu plus. Car le monde avance, et l'histoire ne pardonne pas à ceux qui restent en marge de son mouvement. Pékin, si prompte à rappeler son attachement au principe d'intégrité territoriale, exige, à raison, que nul ne conteste sa souveraineté sur Hong Kong, le Tibet ou Taïwan. Mais comment, dans le même souffle, refuserait-elle au Maroc ce qu'elle revendique pour elle-même ? C'est là que se joue la cohérence des puissances : la fidélité à leurs propres principes. Or, la cohérence diplomatique n'est pas un luxe ; elle est une exigence, un test de crédibilité. Car le Sahara marocain n'est pas une revendication à négocier, mais une évidence à reconnaître. C'est une appartenance ancienne, forgée dans la fidélité, le sang et la mémoire. Bien avant que les frontières coloniales ne se dessinent, les tribus sahariennes prêtaient allégeance au Sultan, reconnaissaient son autorité, vivaient et mouraient dans le même destin. Ce lien n'est pas administratif, il est organique. Il plonge ses racines dans l'histoire et s'élève par le cœur. Dès lors, la Chine, qui se veut gardienne de la mémoire des peuples et de la continuité historique, ne saurait ignorer cette vérité sans se renier elle-même. Elle, qui demande au monde de respecter son unité, doit, par cohérence, reconnaître celle du Maroc. Ne pas le faire, ce serait admettre une incohérence morale de deux poids, deux mesures, là où seule la vérité devrait prévaloir. Et dire que le Maroc, lui, n'a jamais versé dans l'ingérence, jamais contesté la souveraineté d'un autre Etat, pas même celle de la Chine. Toujours, il a choisi la voie du respect, de la constance, de la loyauté. Mais le respect, dans les relations entre nations, n'est jamais unilatéral, il appelle, aujourd'hui, réciprocité. L'économie comme langage de vérité Pékin le sait, le Maroc n'est pas un pays périphérique. C'est une puissance émergente, un acteur stratégique qui redessine les équilibres du continent africain. Dans un monde en recomposition, le Royaume ne subit pas le mouvement, il l'accompagne, l'anticipe, le façonne. Il agit, bâtit et relie. Ainsi, il s'affirme comme une passerelle entre les continents, un pont entre l'Europe et l'Afrique, entre le Nord et le Sud, entre la tradition et la modernité. Cette vocation, Tanger Med en est la preuve éclatante. Premier port d'Afrique, classé parmi les plus performants au monde, il incarne cette ambition d'un pays qui ne se contente plus d'exister dans le concert des nations, mais qui entend y peser. Autour de cette infrastructure-phare, c'est tout un écosystème qui se déploie : chantiers d'hydrogène vert, zones industrielles intégrées, corridors ferroviaires, essor de l'automobile et de l'aéronautique. Le Maroc ne rêve pas de développement, il le construit ; et mieux encore, il ne se contente pas d'accompagner le siècle, il en écrit la trame africaine. Mais au-delà de cette modernisation visible, un autre moteur s'affirme, plus symbolique encore … le Sahara. Ce territoire, longtemps présenté comme une marge, est devenu le cœur battant du Royaume, l'horizon où se projette son ambition. Dakhla et Laâyoune incarnent cette renaissance territoriale avec des pôles économiques, touristiques et portuaires, ouverts sur l'Atlantique et sur le monde. Là où certains voyaient un désert, le Maroc a vu un avenir. Des routes s'y dessinent, des ports s'y élèvent, des universités s'y enracinent. Le Sahara marocain n'est plus un espace contesté, c'est une terre de projets, un carrefour d'énergies et d'espoirs. Dès lors, la Chine, si attachée à la philosophie du développement par l'infrastructure, devrait reconnaître dans cette dynamique un écho de sa propre vision qui est bâtir pour unir, investir pour durer. Car le Sahara marocain incarne exactement ce que Pékin valorise à savoir la transformation du territoire en levier de puissance. Alors, pourquoi ce silence ? Pourquoi cette prudence feutrée, cette hésitation à nommer ce que la réalité impose déjà ? D'autant que, sur le plan économique, tout converge. L'axe sino-marocain est déjà stratégique et fécond : routes maritimes, coopération énergétique, agriculture, automobile, technologies vertes. Grâce à sa stabilité politique et à sa position géographique, le Maroc est devenu le maillon essentiel de la route africaine de la soie. Ainsi, Pékin aurait tout à gagner à consolider ce partenariat sur des bases claires, assumées et cohérentes. Entre la Chine et le Maroc, il y a bien plus que des échanges commerciaux, il y a une philosophie commune du travail, de la continuité, du progrès. LIRE AUSSI : Roulette russe ratée par nos voisins de l'Est Deux civilisations millénaires, conscientes de leur héritage, unies par une même foi dans la construction et dans la durée. De fait, reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara ne serait pas un simple geste politique, ce serait un acte de cohérence historique, un alignement entre les principes que la Chine revendique et ceux qu'elle applique à elle-même. L'ombre de l'Algérie Certains diront que Pékin ménage Alger, partenaire énergétique, fournisseur de gaz, allié militaire d'un autre temps. Mais cette prudence, en vérité, n'est qu'un mirage, car le véritable pari d'avenir ne se joue pas dans la dépendance aux ressources qui s'épuisent, mais dans la construction d'alliances qui durent. Et aujourd'hui, chacun le voit ; l'avenir se bâtit du côté de la stabilité, de la croissance et de la vision. Or, sur ce terrain, l'Algérie s'enferme dans le déni. Elle a fait de la diplomatie du ressentiment une doctrine d'Etat. Son discours, à force d'amertume, s'épuise, et son influence se dissout dans le sable qu'elle agite. En finançant un séparatisme stérile, elle ne convainc plus personne, pas même ses propres alliés. Le Front Polisario, vidé de sens et de souffle, ne brandit plus qu'une bannière effilochée par le vent du désert et n'incarne plus qu'une obstination vaine. Ainsi, la Chine, puissance lucide et stratège, ne peut ignorer cette réalité. Entre l'immobilisme d'un allié révolu et la vitalité d'un partenaire d'avenir, le choix ne devrait pas être difficile. Car la diplomatie, au fond, ne se mesure pas aux fidélités figées, mais à la capacité d'embrasser l'avenir. C'est pourquoi le Maroc ne réclame pas une faveur … il demande reconnaissance. Reconnaître la souveraineté du Royaume sur son Sahara, ce n'est pas céder, c'est comprendre enfin. C'est s'aligner sur le droit, sur la logique, sur l'Histoire. C'est, surtout, soutenir la stabilité régionale, la paix durable et le développement africain. C'est choisir la construction plutôt que la division, la cohérence plutôt que la complaisance. L'Afrique, jadis observée, devient actrice. Elle parle, elle décide, elle s'affirme. Elle refuse désormais que d'autres lui dictent la lecture de son histoire. Et dans cette Afrique en éveil, le Maroc s'impose comme un phare, stable, audacieux, visionnaire. Dès lors, si la Chine veut véritablement s'adresser au Sud global, elle doit reconnaître ce phare, non pas le contourner. À Pékin, on aime invoquer le « multilatéralisme », le « respect des principes », « l'ordre fondé sur le droit international ». Fort bien. Mais encore faut-il que ces valeurs s'appliquent à autrui autant qu'à soi. La Chine, qui revendique la fidélité à ses principes, doit oser l'audace plutôt que l'attente, la clarté plutôt que l'ambiguïté, la constance plutôt que la peur du geste juste. Car il est des moments où le silence devient une faute, et où la neutralité, face à la légitimité, devient erreur. Le Maroc, lui, n'a jamais craint d'assumer sa vérité. À la Chine, désormais, de prouver qu'elle sait reconnaître celle des autres car dans le grand théâtre du monde, la lucidité vaut toujours mieux que la prudence feinte.