Si le projet de résolution du Conseil de sécurité sur la question du Sahara marocain constitue déjà sa version finale, alors le moment est historique. Si le texte est adopté tel quel, il consacrera bien plus qu'une orientation politique, il scellera un changement d'époque et un point d'orgue historique. Sous le voile policé du langage diplomatique, certains écrits portent en eux le frémissement des grandes mutations, celui-ci en fait partie. Les mots y sont choisis avec une minutie presque chirurgicale ; pourtant, derrière leur neutralité apparente, ils tracent une ligne claire : le paradigme du Sahara a basculé. Le Maroc n'y est plus un acteur parmi d'autres ; il en devient le centre de gravité, le socle autour duquel s'articule la recherche d'une solution internationale. La diplomatie du possible Le texte onusien érige désormais la proposition marocaine d'autonomie en pierre angulaire du processus politique. Non plus une option, mais plutôt le fondement. Loin d'être perçu comme un plan parmi d'autres, il est le référentiel principal des négociations. Faut-il rappeler que pendant des décennies, la rhétorique onusienne entretenait l'ambiguïté, celle d'un Sahara suspendu entre le mirage du référendum et la promesse vague d'un compromis. Aujourd'hui, le Conseil de sécurité s'apprête à acter la fin de cette illusion. Le mot « référendum » a disparu, comme une chimère dont on reconnaît enfin la vanité. En lieu et place, s'impose une grammaire nouvelle : « solution politique mutuellement acceptable », « autonomie véritable sous souveraineté marocaine », « issue la plus réalisable ». Ce ne sont pas des formules techniques mais des marqueurs de maturité géopolitique, des signaux diplomatiques forts adressés à ceux qui persistent à camper dans l'immobilisme du passé. LIRE AUSSI : Monsieur Tebboune, l'Histoire vous rattrape depuis le Sahara ! Le monde a changé, et le Conseil de sécurité parle désormais le langage du réalisme, celui que le Maroc défend avec constance depuis le début, un compromis fondé sur la paix, la stabilité et la souveraineté. La défaite du blocage algérien En diplomatie, l'ordre des noms n'est jamais innocent. Le texte cite d'abord le Maroc, puis le Front Polisario, l'Algérie et la Mauritanie. Ce simple détail protocolaire révèle un basculement ; le Maroc est le pivot du processus, l'acteur de référence, tandis que les autres deviennent des acteurs périphériques d'un règlement qu'ils retardent plus qu'ils ne le nourrissent. Le Conseil insiste sur « l'engagement de bonne foi » et la « nécessité d'éviter tout acte compromettant le processus politique ». Ce rappel de principe est, en réalité, un reproche à peine voilé, adressé à Alger, dont les manœuvres militaires et diplomatiques menacent la trêve. Quant au Front Polisario, il se trouve ramené à sa véritable dimension, celle d'un appendice politique, un acteur subordonné, dépendant, instrumentalisé par un appareil régional qui peine à masquer l'érosion de son crédit. L'ONU, désormais, ne le consacre plus comme interlocuteur égal du Maroc, mais comme élément d'un processus qu'elle invite à rejoindre sur la base de l'initiative marocaine. La fin d'une fiction L'un des paragraphes du projet affirme qu' « une autonomie véritable sous souveraineté marocaine pourrait constituer la solution la plus réalisable ». Cette phrase, d'apparence sobre, est en réalité un séisme sémantique stratégique. Jamais, dans l'histoire des résolutions onusiennes, la souveraineté du Maroc n'avait été ainsi intégrée à la formulation même de la solution. Autrement dit, le Conseil de sécurité ne parle plus d'un territoire « disputé », mais d'un territoire marocain à aménager politiquement. La nuance est subtile, mais elle change tout. Le Sahara n'est plus un contentieux international, il devient un chantier de gouvernance sous l'égide du réalisme. C'est la fin donc d'une fiction entretenue depuis un demi-siècle, la sortie du conflit du registre idéologique pour l'ancrer dans le concret de la souveraineté assumée. Ce tournant diplomatique n'est pas le fruit du hasard. Il est le résultat d'une cohérence historique, patiemment construite. D'ailleurs, depuis le début, le Maroc n'a jamais dévié de sa ligne : souveraineté non négociable, autonomie négociée. Une posture que certains jugeaient inflexible, mais qui s'impose aujourd'hui comme la seule voie crédible. Face à elle, l'intransigeance doctrinale du voisin de l'Est s'est muée en isolement. L'Algérie s'est enfermée dans une logique de refus, prisonnière d'un récit qu'elle sait caduc mais qu'elle ne peut abandonner sans renoncer à une part d'elle-même. Pendant que Rabat construit, investit, modernise et ouvre ses provinces du Sud au monde, Alger entretient l'illusion d'un projet sans horizon dans les camps de Tindouf. Le Conseil, à sa manière mesurée mais claire, semble avoir choisi son camp. Vers un nouveau pacte de stabilité régional Ce projet de résolution ouvre enfin la perspective d'un nouveau cycle diplomatique, fondé sur la paix et la coopération régionale. La mention explicite des Etats-Unis comme partenaire pour accueillir les négociations confirme la place de Washington comme garant de la dynamique enclenchée depuis la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine. Cette dynamique, si elle se poursuit, redessine la carte politique du Maghreb, car derrière la question du Sahara se joue un enjeu plus large, celui de la stabilité de toute une région. L'enjeu dépasse la question territoriale et touche à la sécurité du Sahel, à la lutte contre le terrorisme transfrontalier, et à la possibilité, enfin, de bâtir un espace économique intégré et prospère. Ce projet de résolution n'est pas une simple prorogation du mandat de la MINURSO, c'est une clarification historique, un point d'inflexion dans une équation figée depuis trop longtemps, un signal politique fort envoyé à la communauté internationale pour dire que la voie du réalisme a triomphé du mirage idéologique. Il consacre la diplomatie du possible, celle du Maroc, contre la politique du déni. Il proclame que la paix ne se décrète pas dans les slogans, mais se bâtit dans la reconnaissance des réalités. Le Maroc, fort de sa légitimité historique, de sa vision politique et du soutien croissant de la communauté internationale, n'a plus à convaincre ; il lui suffit désormais d'avancer. Et dans ce texte, le Conseil de sécurité, avec la retenue qui sied aux grandes institutions, va lui dire : le monde vous a compris.