Dans l'agriculture, s'il y a une substance qui pollue plus qu'elle ne fait mûrir les produits, c'est bien le bromure de méthyle. Il s'agit d'un composé chimique utilisé notamment dans la production fruitière, comme produit phytosanitaire destiné à éliminer les champignons dans les cultures. Une fois pulvérisé, il rejoint la haute atmosphère, où il contribue à appauvrir la couche d'ozone. Le problème n'est certes pas nouveau. Classé par le Protocole de Montréal parmi les produits nocifs à bannir des usages pour sauver la couche d'ozone, le Maroc a vite adhéré à l'engagement de s'en défaire, en mettant en place un projet d'élimination de ce produit chimique. Le bromure de méthyle est importé principalement de l'étranger, notamment de trois ou quatre pays grands producteurs, à savoir Israël, les Etats-Unis d'Amérique, la France et le Japon. En ce moment même, à Agadir, s'ouvre un symposium international sur les productions maraîchères sans bromure de méthyle. Organisée par l'Association des producteurs et exportateurs des fruits et légumes (APEFEL), l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) et l'Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), cette rencontre scientifique intervient dans un contexte où le projet national d'élimination de ce produit touche à son terme. L'heure est donc, auprès des professionnels et chercheurs du secteur agricole, à «la nécessité de dresser l'état des connaissances relatives aux différentes alternatives, mais aussi de dégager les voies des alternatives porteuses, de natures physique, chimique et biologique, pour l'orientation des programmes futurs de recherche sur le terrain», explique Laraisse Esserrhini, coordinateur national du projet. Alternatives durables Ce programme d'élimination s'est articulé autour de trois grands axes. Il s'agit, de prime abord, d'assister les producteurs pour remplacer le bromure de méthyle par d'autres alternatives appropriées (notamment la combinaison nemacure/metam-sodium, la solarisation et le traitement du sol à la vapeur) et de promouvoir la faisabilité des techniques alternatives. Le centre de transfert de technologie (CTT) situé à Aït Amira et qui a réalisé depuis son ouverture en 2007 quatre campagnes culturales dédiées aux alternatives au bromure, en est un exemple. Il s'agit enfin de la mise en place d'un calendrier progressif d'élimination, en l'occurrence pour les tomates, les fraises et les bananes. Le symposium qui se tient aujourd'hui dans la capitale du Souss, se veut une opportunité d'échange d'expériences, tenant compte avant tout de la participation de pays vivant les mêmes situations, notamment le Mexique, L'Irak, la Syrie, l'Arabie Saoudite et la Libye, mais aussi des experts venant du Canada, des USA, de Chine, d'Amérique latine et d'Europe. En marge de cette rencontre, il sera procédé à la mise en place d'un réseau d'intérêt entre le Maroc et nombre d'institutions de recherche, orienté principalement vers la mise en place d'alternatives durables au bromure et économiquement accessibles. Signalons par ailleurs que la date butoir imposée dans le cadre du protocole de Montréal (9e rencontre) avait prescrit l'élimination du bromure de méthyle en 2005 pour les pays développés et à l'horizon 2015 pour ceux en voie de développement. Ce délai a constitué une contrainte économique et commerciale pour le Maroc en tant qu'exportateur des produits agricoles vers l'Union européenne et bien d'autres destinations. C'est pourquoi, à l'image des autres pays en voie de développement, le royaume a confectionné des programmes d'élimination de ce produit chimique et d'incitation à l'usage d'autres alternatives, pour que ses produits agricoles ne soient pas restreints commercialement. Y.S & S.F «D'ici fin 2011, il n'y aura plus de bromure de méthyle au Maroc» : Laraisse Esserrhini, Expert agronome et coordinateur national du projet d'élimination du bromure de méthyle. Les Echos quotidien: Peut-on dire, aujourd'hui, que le Maroc a définitivement éliminé le bromure de méthyle ? Laraisse Esserrhini : Disons que nous avons fait ce qu'il fallait. Le Maroc a respecté les consignes du protocole de Montréal. Aujourd'hui, la tomate est sans bromure de méthyle «bromure free». C'est notre engagement vis-à-vis du protocole de Montréal, d'autres réalisations ont été accomplies, en l'occurrence, dans les cultures des fraises et des bananes. Actuellement, il nous reste de petites cultures, à savoir l'haricot vert, mais nous y travaillons. De toute façon, d'ici fin 2011, il n'y aura plus d'utilisation de bromure de méthyle au Maroc. Les alternatives proposées aux producteurs sont-elles économiquement accessibles? Oui, en matière de production intensive de tomates destinées principalement à l'export, les alternatives chimiques, physiques ou graffitistes sont économiquement accessibles. Le coût est également à la portée. Les professionnels maîtrisent et appliquent ces techniques. C'est le rôle assigné au projet que nous avons mené conjointement avec la profession, notamment à travers les journées d'information et d'animation, les portes ouvertes, les séminaires et les différents ateliers que nous avons déjà organisés. En totalité, les producteurs maîtrisent les techniques. À titre d'exemple, le griffage est totalisé à 100%. En ce qui concerne les produits chimiques, n'importe quelle ferme peut en importer et en utiliser. Comment se fera la transition vers l'après-bromure? Nous avons accompli les objectifs du projet, notamment par rapport à la quantité, censée être éliminée. Maintenant nous commençons à faire face à de nouveaux problèmes, pour lesquels nous ne sommes pas outillés : l'arrivée de nouvelles maladies, l'interdiction par voix législative d'autres produits chimiques. Maintenant, sans ces produits chimiques, il est difficile de gérer la situation, sachant bien que la date buttoir fixée pour l'élimination de ces fumigeants chimiques est arrêtée à 2013. Nous commençons donc à avoir de sérieux problèmes. C'est pourquoi nous avons demandé au protocole de Montréal et à l'ONUDI, qui travaille directement avec nous, de trouver des solutions intermédiaires, par rapport aux autres pays développés disposant de chercheurs, de moyens financiers et humains. L'idée est de constituer un réseau international de recherche regroupant à la fois les pays développés et en voix de développement, pour faire face à ce problème.