La récente note émanant du ministère de l'Éducation nationale, du préscolaire et des Sports a fait l'effet d'un pavé dans la mare. Celle-ci annonce l'organisation prochaine d'une session de formation au profit des enseignants d'éducation physique portant sur le hip-hop et le breaking, deux disciplines récemment reconnues sur la scène olympique. Derrière cette initiative, présentée comme un levier de diversification pédagogique et d'ouverture culturelle, se profilent de vifs débats d'ordre éthique, idéologique et politique. Perçu par certains comme un loisir contemporain, tandis que pour d'autres, le hip hop est "mal vu", et le fait de l'insérer dans le cursus scolaire marocain impacte l'éthique de la tradition sportive. Signée par Abdeslam Mili, directeur de la promotion du sport scolaire, la note appelle les directeurs des académies régionales à proposer deux cadres (inspecteurs ou enseignants) pour bénéficier d'une formation encadrée par l'expert international Thomas Rimmers. Ce cycle, organisé en partenariat avec les fédérations sportives concernées, ne vise pas l'intégration immédiate de ces disciplines dans le programme officiel d'éducation physique, mais ambitionne de former des encadrants régionaux capables de relayer ces compétences sur le terrain. L'initiative s'inscrit, selon le ministère, dans le cadre d'un « alignement stratégique » sur les nouveaux paradigmes de l'éducation moderne, lesquels préconisent une approche holistique du développement de l'élève, intégrant le bien-être physique, psychologique et émotionnel. Mais si l'initiative semble relever d'une logique de modernisation, sa mise en œuvre n'a rien d'unanime. Plusieurs acteurs pédagogiques ont fait part de leur inquiétude sur la toile. Ils tirent la sonnette d'alarme. Pour eux, il s'agit d'une décision précipitée et inégalement applicable. Au-delà des aspects logistiques, les critiques portent également sur la nature même des disciplines choisies. Le hip-hop, perçu par certains comme porteur de codes culturels spécifiques, suscite des réticences : tenues vestimentaires jugées non conformes, gestuelle non académique, et risques perçus d'atteinte à la morale scolaire. Dans une société encore traversée par des clivages entre modernité et conservatisme, l'école devient une fois de plus le théâtre d'un affrontement idéologique. Cette controverse n'a pas tardé à gagner l'hémicycle. Le conseiller parlementaire de l'Union nationale du travail au Maroc (UNMT) , Khalid Satti, a saisi le ministre Mohamed Saad Berrada par une question écrite, l'enjoignant à clarifier la plus-value de ces formations dans le cadre de la consolidation des valeurs, de la lutte contre le décrochage scolaire et de la baisse des violences en milieu éducatif. L'élu s'interroge également sur les priorités ministérielles en matière de formation continue, soulignant la nécessité de renforcer d'abord les compétences dans les disciplines olympiques classiques, pilier historique de l'éducation physique au Maroc. Pour les défenseurs du projet, il n'est nullement question d'imposer une pratique, mais d'offrir aux élèves une fenêtre d'expression corporelle alternative, avec des retombées positives prouvées sur la santé mentale et l'estime de soi. L'introduction du hip-hop dans les salles de sport scolaires ne relève plus du simple enjeu pédagogique, mais bien d'un choix de société. Et comme souvent au Maroc, l'école en devient le miroir. Le hip hop réussira-t-il à faire son entrée dans les écoles marocaines ? Affaire à suivre...