Intimidé par les pressions occidentales et miné par la crainte d'un scandale international, le régime algérien a choisi de travestir sa capitulation en geste humanitaire. La libération de l'écrivain Boualem Sansal, après un an de détention arbitraire, illustre la peur d'un pouvoir qui ne sait plus réprimer sans trembler ni céder sans mentir. L'appel du président fédéral d'Allemagne Frank-Walter Steinmeier à Abdelmadjid Tebboune a constitué, selon de nombreux observateurs, le déclencheur immédiat de la libération de Boualem Sansal. En Allemagne, chacun sait que le président occupe une fonction honorifique tandis que le chancelier fédéral Friedrich Merz concentre la réalité du pouvoir exécutif. D'où l'étonnement général : pourquoi la démarche n'est-elle pas venue de celui qui décide, mais de celui qui représente ? Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont vu dans ce choix une intention soigneusement calculée. «Le recours à une figure symbolique permettait de présenter l'acte comme un élan de compassion, et non comme une concession dictée par la crainte», écrivait l'un d'eux. D'autres rappelaient que les médias algériens avaient évoqué «l'état de santé préoccupant» de l'écrivain, afin de déguiser l'abdication du régime en geste de bonté. En France, Xavier Driencourt, ambassadeur de France à Alger de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, connu pour être le diplomate français qui aura passé le plus de temps en poste en Algérie, était plus tranchant. Libération de Sansal : «La politique de fermeté de Retailleau n'a pas fonctionné car… on ne l'a tout simplement jamais mise en œuvre. Le ministre de l'Intérieur était empêché d'agir par le Quai et l'Elysée», rappelle l'ex-ambassadeur à Alger, @XMDriencourt, dans «Points de Vue»... pic.twitter.com/qvdTjlEZXk — Le Figaro (@Le_Figaro) November 13, 2025 Un régime prisonnier de sa propre peur Boualem Sansal, l'une des grandes voix de la littérature maghrébine, avait été arrêté le 16 novembre 2024 pour avoir déclaré que «quand la France a colonisé l'Algérie, toute la partie ouest de l'Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran, jusque Mascara.» Ces mots, insupportables pour un pouvoir obsédé par le contrôle du récit historique, lui avaient valu une incarcération que rien ne justifiait sinon la volonté d'éteindre la pensée libre. «En s'abritant derrière l'appel d'un président sans pouvoir réel, Alger a trouvé le prétexte idéal pour reculer sans s'avouer vaincue», relevait un autre commentaire très partagé. Plusieurs internautes ont également souligné que cette ruse correspondait à un schéma familier : «Lorsqu'un régime autoritaire redoute la honte, il déguise la peur en vertu et la contrainte en humanité.» Le lauréat du prix Goncourt 2024 dresse le bilan d'un an d'emprisonnement de Boualem Sansal et de conflit entre Paris et Alger. →https://t.co/g3fvo4ND9r pic.twitter.com/S38EemlNNf — Le Figaro (@Le_Figaro) November 13, 2025 Selon plusieurs observateurs, la santé déclinante de l'écrivain et la perspective d'un décès en détention ont semé la panique au sommet de l'Etat. «Les généraux redoutaient qu'une mort en prison ne déclenche un séisme moral et diplomatique», écrivait un commentateur algérien. Le régime, poussé dans ses retranchements, a cherché une issue qui ne paraisse pas être une reddition. «Il fallait libérer Sansal sans donner l'impression d'obéir à l'étranger», ajoutait un autre internaute, soulignant la duplicité d'un pouvoir qui «se réclame de la souveraineté nationale quand il opprime, et s'incline devant l'Occident quand il vacille.» La libération de Boualem Sansal ne traduit donc pas une conversion du régime à l'humanisme, mais la peur nue d'un système usé par le mensonge et l'isolement. «Ce pouvoir parle d'honneur le jour, et se courbe la nuit devant un appel venu de Berlin», écrivait un internaute, dans une phrase devenue emblématique de l'affaire.